A l’heure où le pouvoir d’achat et l’inflation sont au cœur des problématiques des consommateurs, les plateformes de vente en ligne permettent, sans sortir de chez soi, de comparer les prix, et d’aller au moins cher. Dans ce contexte, le site chinois Temu a, en moins d’un an, conquis d’importantes part des marchés du fait de ses tarifs imbattables. Mais que cache véritablement cette plateforme ?
Des prix imbattables :
La politique de Temu est de détruire la concurrence à travers des prix difficiles à croire : des baskets à moins de 7€, des écouteurs bluetooth à 4€, et bien plus encore… La démarche avouée de ce nouveau géant du commerce en ligne est d’être bien moins cher que ses concurrents, dans l’espoir de les faire disparaitre… Pour ensuite mieux augmenter ses prix. Temu travaille à perte, et espère tenir suffisamment longtemps pour que son objectif suprême se réalise. Son but actuel est clairement affiché : acquérir des clients. Pour la rentabilité, on verra plus tard.
Pour parvenir à ses fins, Temu a mis en place, au-delà de tarifs très incitatifs, des relances avec des baisses de prix, et des systèmes de jeux et de parrainage. Ce marketing très agressif pousse les consommateurs à commander en continu. Temu rémunère aussi des influenceurs pour assurer la promotion de ses articles. Et force est de constater que ça marche, jusqu’ici : la plateforme compte déjà près d’un milliard de consommateurs !
Modèle écologique :
Temu, comme les autres places de marché chinoises impactent fortement l’environnement. La plateforme Shein, par exemple, assure la promotion de l’ultra fast fashion, qui pousse à mettre de nouveaux vêtements en ligne le plus souvent possible – Shein met actuellement en ligne 7000 nouveaux produits quotidiennement). Dans ce modèle économique, les vêtements deviennent consommables, et on incite les internautes à en changer le plus souvent possible, plutôt que de s’inscrire dans une démarche de durabilité.
Le transport de colis unitaires a aussi des conséquences écologiques graves : la facture carbone de 5000 colis expédiés individuellement depuis la Chine jusqu’au reste du monde est bien supérieure à celle d’une seule expédition d’un seul conteneur recensant 5000 produits. Temu favorise d’autant plus cet état de fait qu’actuellement, dans sa démarche d’acquisition et de fidélisation de la clientèle, la plateforme offre les frais de port.
Modèle social :
Temu achète à des usines chinoises, depuis Canton jusqu’à Qingdao, en maintenant une forte pression pour garantir les prix les plus bas possible, en contrepartie de volumes importants. Les usines expédient, un peu à la façon du dropshipping, directement depuis leurs entrepôts, aux consommateurs un peu partout à travers le monde. En évitant les intermédiaires, et en négociant des prix très bas en échange de volumes importants, Temu réussit à casser ses prix.
En pratiquant une politique d’achat la moins chère possible, Temu favorise les unités de production qui payent le moins bien leurs cols bleus. Cette même politique de prix incite à faire fabriquer dans des prisons politiques, les fameux « laogai » chinois, ainsi que les camps d’internement où sont enfermés la Ouighours. Ces points, hélas, sont invérifiables par les consommateurs, ce qui diminue leur potentiel sentiment de culpabilité, au profit d’une addiction un peu plus importante aux achats.
La problématique normative :
La Fédération française des industries du Jouet et de la Puériculture (FJP) affirme dans un rapport récent que la majorité des jouets vendus par Temu ne respectent pas les normes de sécurité européennes. La Fédération Européenne des Industries du Jouet (Toy Industries of Europe) a également effectué des tests, achetant 19 jouets sur Temu.com. Elle constate qu’aucun n’est conforme aux normes CE, et que 18 présentent un danger pour la sécurité des enfants : coupures, étouffement, strangulation, et danger chimique.
Une des forces de ces plateformes est son mode de livraison unitaire : ces produits ne sont pas contrôlés car ils sont directement expédiés par les fabricants chinois aux consommateurs à travers le monde, empêchant toute vérification de conformité.
Même si à la demande de la FJP, ces jouets ont été retirés par Temu, qu’en est-il de tous les autres ? Par ailleurs les jouets ne sont pas les seuls produits où un risque de sécurité est latent. Ainsi, Temu expédie quotidiennement des produits électriques, de l’outillage, des cosmétiques, et même des produits péri-médicaux. Les douanes internationales ne sont pas équipées pour contrôler le flot constant de ces colis, au contenu potentiellement dangereux : il est déjà impossible de contrôler tous les conteneurs. Et même s’il était possible d’ouvrir chaque colis, il est impossible de tester en laboratoire tous ces produits.
Quel danger pour votre entreprise ?
Ces plateformes constituent de plus en plus une concurrence pour les entreprises françaises. Mais cette concurrence n’est pas équitable, car non seulement elle fait appel à un modèle économique assimilable à du dumping, mais elle ne se base pas sur le même référentiel normatif.
Les industriels chinois, à travers Amazon, Shein, Aliexpress et maintenant Temu, tiennent à vendre le plus directement possible. Les entreprises occidentales ne pourront pas se battre d’un point de vue tarifaire. La solution passe par une créativité accrue, permettant une différenciation totale avec les produits vendus sur les plateformes asiatiques.